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Gabon : le PDG appelle l’UDB au respect de la loi après le départ de plusieurs de ses cadres

La lettre datée du 5 août 2025 porte la marque des temps politiques que traverse le Gabon. Signée par Angélique Ngoma, vice-présidente du Parti démocratique gabonais (PDG), et adressée au secrétaire général de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), elle mêle formules de courtoisie et rappel juridique aux allures d’avertissement. Officiellement, il s’agit de féliciter le nouveau chef de file de l’UDB pour sa nomination. En réalité, le texte vise à contester certaines investitures accordées à d’anciens militants du PDG, sur la base de l’article 82 du Code électoral, qui encadre strictement les délais et conditions de changement de parti avant une élection.

Le message est limpide : plusieurs ex-cadres du PDG, fraîchement passés à l’UDB, auraient obtenu une investiture sans disposer du « quitus » attestant qu’ils sont libérés de tout engagement moral et financier envers leur ancienne formation. Or, selon l’article 82 de la loi organique n°001/2025, un militant ne peut être investi par un autre parti moins de quatre mois avant une élection, sous peine d’annulation de sa candidature. Le PDG demande donc à l’UDB « d’intervenir afin de prévenir tout contentieux ».

Un allié… devenu aspirateur à talents

Ce courrier met en lumière une tension feutrée au sein de la majorité présidentielle, pourtant unie autour de Brice Clotaire Oligui Nguema. Le PDG, pilier historique de la vie politique gabonaise, avait activement soutenu le chef de l’État lors de la présidentielle d’avril, contribuant à son écrasante victoire. Mais, deux ans après le coup d’État d’août 2023, le rapport de forces s’est inversé. Face à l’UDB, créé en juillet dernier et déjà devenu la principale machine politique du pays, le PDG assiste impuissant à un exode de ses cadres.

L’épisode illustre un paradoxe cruel : les deux partis se revendiquent de la même majorité, mais l’un bâtit son influence sur la montée en puissance, pendant que l’autre s’effrite et perd son capital humain. Derrière les formules diplomatiques, la lettre du PDG est d’abord un signal d’alarme : contenir l’hémorragie avant qu’elle ne devienne irréversible.

Le dilemme stratégique du PDG

La posture du PDG est délicate. S’opposer frontalement à l’UDB reviendrait à fragiliser la majorité présidentielle elle-même, au risque de compromettre l’image d’unité affichée par le pouvoir. Mais rester silencieux face au siphonnage de ses cadres, c’est accepter une lente disparition politique. Ce rappel à la loi, adressé à un allié, traduit donc une stratégie de survie : rappeler les règles du jeu, sans rompre l’alliance.

Le PDG se retrouve piégé par la dynamique même qu’il a contribué à installer. En soutenant massivement Oligui Nguema, il a validé l’ascension d’un centre de gravité politique qui attire aujourd’hui ses propres forces vives. La situation confine à l’ironie : l’ancien parti unique, qui régentait autrefois toutes les investitures, en est réduit à implorer que l’on respecte les délais légaux pour encadrer le départ de ses militants.

Une majorité sous pression silencieuse

Au-delà de cet épisode, la lettre du 5 août révèle une fragilité structurelle au sein de la majorité présidentielle. Officiellement soudée, elle est traversée par une compétition interne qui ne dit pas son nom. L’UDB, en captant les figures et l’aura locales du PDG, ne fait pas seulement de la place pour ses propres ambitions : elle redessine l’architecture politique du pays. Et dans ce schéma, le PDG n’est plus qu’un acteur secondaire, contraint de choisir entre loyauté publique et défense de ses intérêts vitaux.

La vraie question est désormais de savoir combien de temps ce fragile équilibre pourra tenir. Car si le PDG continue de se vider de ses forces au profit de l’UDB, le débat ne portera plus sur l’article 82 du Code électoral, mais sur la capacité même de l’ancien parti dominant à exister encore dans la vie politique gabonaise.

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